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Publié le 1 mai 2017
Bulletin 57 Albert-André Pasche sculpteur (1873-1964)
mai 2O17

A. Pasche et la fontaine de la place d’Etat-major
Cette fontaine bien connue des Bisontins mérite une tentative d’explication à part. Car elle
vient remplacer une fontaine préexistante datant de 1736 qui était fort dégradée (dans leur
livre « Besançon, ses rues, ses maisons » publié chez Cêtre, Lionel Estavoyer et Jean-Pierre
Gavignet évoquent « …une élégante fontaine élevée en 1736 et ornée en 1740 d’un joli groupe de bronze qui regroupait des dauphins et des enfants, œuvre du sculpteur parisien Herpin. Ces
statues furent envoyées à la fonte pendant la Révolution et la fontaine, rasée à mi-corps dans la première moitié du XIXe siècle, puis détruite, trouva une prétentieuse héritière dans la monumentale construction qu’on voit aujourd’hui.»)


Sa vie, ses œuvres
Notre sculpteur aurait suivi les cours de l’Ecole des Beaux-arts à Besançon, avant de poursuivre ses études à Paris sous la direction d’ Alexandre FALGUIÈRE et d’Antonin MERCIÉ.
Il a obtenu ses premières médailles au Salon « pour une « Ariane abandonnée » (1903) puis
pour le monument funéraire de BOURDENEY (1909, première médaille au Salon) que l’on
peut voir encore aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise à Paris. Une forte amitié le liait à
la famille Bourdeney. C’est Marie Angélique Laure Bourdeney qui lui demanda de réaliser ce
monument funéraire afin de commémorer le souvenir de Clarisse Bourdeney qui fut une
grande artiste musicienne. G. Coindre, dans « Mon vieux Besançon » relève à ce propos :
« Rares les monuments d’importante décoration sculpturale : celui qui se distinguera
entre tous n’est pas encore en place, ayant figuré au Salon de 1909 sous le nom du sculpteur
Pasche, « tombeau de la famille B… » ; conçu et exécuté avec un talent sans conteste…»
Voici ce que l’on peut lire sur le site des Amis et passionnés du Père Lachaise, ce tombeau
ayant attiré leur attention :

La Bibliothèque nationale répertorie plus de 144 œuvres et documents de Clarisse Bourdeney, compositeur prolifique née à Besançon le 21 mars 1848 et morte à Paris le 28 juillet 1898. Il s’agit surtout de pièces pour orchestre et pour piano comprenant un numéro d’opus, essentiellement publiées chez Alphonse Leduc (source gallica-bnf). C’est à cette époque qu’Albert Pasche se marie avec Juliette Sionneau, plus jeune que lui.
De cette union naîtront tout d’abord, en 1907, son fils Jean (décédé en 2002) puis Madeleine
(décédée en 1997). Albert et Juliette habitent alors le quatorzième arrondissement de Paris.
A quelle époque divorce-t-il pour se remarier avec une jeune femme riche, Jeanne Louise
Ducasse ? Nous ne le savons pas.
Par contre, nous savons que lorsque Mademoiselle Bourdeney (son nom est souvent
orthographié Bourdenet, voire Bourdenay) meurt, à Paris, le 6 novembre 1919, sans héritier,
elle fera don de sa fortune à Albert Pasche. Avec, entre autres, le château d’Etrabonne
dans le Doubs. Mais il en fera don à son tour ! Nous avons interrogé à ce sujet M. Philippe
Bailliart, le fils de la propriétaire actuelle. Il nous a confirmé que son « …grand-père paternel,
Paul Bailliart, ophtalmologiste, alors chef de clinique des Quinze-Vingts à Paris lui a sauvé la
vue. Pour le remercier A. Pasche a souhaité lui donner son château d’Etrabonne qu’il avait
acquis en 1920 comme légataire universel de mademoiselle Bourdeney (acte reçu par maître
Prud’Homme, notaire à Paris). Mon grand-père n’en ayant nul besoin, a refusé cette donation
qui a été faite par A. Pasche directement à sa belle-fille, ma mère, le 23 septembre 1957. »
Le sculpteur aurait également fait don d’un monument aux morts à la commune d’Etrabonne,
après la Grande Guerre. Il aurait pris pour modèle le plus proche voisin de son château, un
dénommé Mourey, revenu vivant de ce conflit.

A. Pasche réalisera alors d’autres monuments aux morts en hommage aux « poilus », dont celui de Besançon qui ornait le premier monument, devant la gare, conçu, en 1920, par Maurice Boutterin (le fils de Marcel évoqué ci-dessus à propos de son projet pour la fontaine de la place d’Etat-major). Pasche travaille son poilu « dans une cabane en planches, près du monument. » Si Le départ du poilu, symbolisé sur ce monument, est l’œuvre de son ami bisontin Georges Laethier qui possède un atelier rue Grosjean, à deux pas de la gare Viotte (aujourd’hui maison Boucton), A. Pasche est chargé d’illustrer Le retour (tandis que Paul Jean
Gasq représentera au centre la ville de Besançon). « A Besançon, par opposition à la statue de Georges Laethier –le fantassin du XIXe siècle parti en août 1914 en pantalon rouge et képi, A. Pasche a sculpté un soldat qui, malgré l’épée laurée serrée sur son cœur, symbolise avec son
casque de tankiste, comme son camarade au cimetière de Saint-Claude, l’armée nouvelle issue avec ses gaz, ses avions et ses chars d’assaut du conflit qui venait de secouer l’Europe », note le docteur Bonnet.


Au cimetière de Saint-Claude à Besançon, une association locale La gerbe du soldat (créée dès octobre 1914 afin de venir au secours des soldats) décide d’ériger également un monument aux morts. Dès le mois de janvier 1921, un emplacement est accordé par la municipalité (Charles Krug est alors maire) ; le 8 mai 1921 (date prémonitoire ?…) la première pierre est posée et le monument est inauguré le 1er novembre 1922. Voici ce que l’on peut lire dans une
plaquette éditée à cette occasion : « La Gerbe du Soldat »n’aurait pu réaliser ce pieux désir si M. Pasche, grand artiste doublé d’un homme de bien n’avait offert au Comité le concours de son talent et une aide matérielle importante inspirée par le souvenir d’une Bisontine protectrice des Arts et de toutes les initiatives généreuses, mademoiselle Bourdenet. » A noter que ce comité de La Gerbe du Soldat (qui se dissout à la fin de 1922 après avoir confié l’entretien des 1 435 tombes des soldats au Souvenir français) est présidé par madame A. Mathey, personnalité locale et qu’il compte une certaine madame Pasche. Il doit s’agir de sa nouvelle épouse Jeanne Louise Ducasse. Le monument de Saint-Claude est illustré par « un fantassin
combattant de la guerre moderne qui porte son masque à gaz sur la poitrine, prêt à l’emploi. »
Enfin dernier monument aux morts, semble-t-il, du moins dans le Doubs, sculpté par A.
Pasche, dans le village de Reugney.

Notons qu’à cette période de sa vie, Albert Pasche jouit d’une grande fortune dont les sources semblent provenir du legs de mademoiselle Bourdenay et de son mariage avec Jeanne Ducasse : hôtel particulier à Paris, terres et propriété à Fournet-Luisans, propriétés à Besançon, etc. Le petit neveu d’Albert Pasche, M. Favre-Bulle, se souvient que sa famille habitait Grande Rue, à Besançon, dans une propriété de l’oncle Pasche et que leur maison construite à Besançon l’a été sur un de ses terrains. D’ailleurs toute la famille se déplaçait à l’occasion du Nouvel An afin de présenter ses vœux à cet oncle généreux.
Les diverses thématiques de ses sculptures
Nous avons évoqué le monument funéraire réalisé pour la famille Bourdeney au cimetière du
Père Lachaise à Paris. Dans ce même cimetière, d’autres suivront pour des personnalités qui
étaient musiciens. Tout d’abord le caveau de Marie ROZE (1846-1926), cantatrice d’opéra et
opéra-comique. L’artiste est représentée là sous forme d’un buste en bronze.






Remerciements : outre les auteurs et les personnes cités dans cet article, il convient de remercier M. Pierre Favre-Bulle, petit neveu du sculpteur, et sa famille, madame et monsieur
Péquignet pour les renseignements transmis et leurs efforts pour que l’œuvre d’Albert Pasche
ne soit pas oubliée, Jean-Marie Pinel, et l’adhérent de RVB propriétaire d’une statuette
réalisée par A. Pasche.
Photographies : collection privée et Jean-Claude Goudot
