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Publié le 28 octobre 2025


Bulletin 62 A Besançon, jadis : La vie des quartiers

Ce n’est pas ici le lieu de présenter un nouveau guide de Besançon : il en existe déjà un certain nombre, tous évidemment très bien faits… (1°)

Certains ont pris de l’âge, mais leur lecture rend bien compte de l’évolution patrimoniale de Besançon : peu de choses essentielles ont finalement disparu ; beaucoup de choses nouvelles ne sont visibles qu’à celui qui connaît sa ville et le détail de son architecture.
Mais la pesanteur des traditions (et Besançon ne fait pas exception) ne touche pas seulement l’urbanisme : on la sent en regardant quelques photos anciennes, en lisant en même temps certains textes de nos devanciers… Parfois, un problème jadis dénoncé a été aujourd’hui déplacé…
Voici quelques exemples…
Saint-Jean, quartier vivant ?
La ville de Besançon est à la recherche des moyens qui permettraient à son centre
ville de se développer, à se « revivifier » selon le vocabulaire inventé par les modernes
édiles.
Hélas, ce n’a jamais été un lieu commerçant, du moins au-delà des commerces
de proximité nécessaires dans un quartier voué à l’habitat : épiceries et bois-debout,
comme — sur les cartes postales anciennes — les Economiques de la place Victor
Hugo, qui ont laissé la place aujourd’hui à une galerie d’art appréciée des
connaisseurs… venus d’autres quartiers.
Les Bisontins auraient-ils oublié Sidonie Gavoille ?… La bigote de la place Saint
Jean était — dans le roman de Léon Cathlin, publié en 1925 — le symbole des vieilles
gens vivant à l’ombre de la cathédrale, dans cette maison à l’angle de la rue de la
Convention dont le crépi peint en fausses pierres attire immanquablement les tags

  1. On pourrait citer, par ordre chronologique :
    — Alexandre GUENARD, Besançon : description historique des monuments et établissements publics de
    cette ville. Besançon, 1845, avec gravures (dernière édition, 1860).
    — Alphonse DELACROIX et Auguste CASTAN, Guide de l’étranger à Besançon et en Franche
    Comté.
    Besançon, 1860 (publié à l’occasion de l’Exposition universelle organisée autour du Musée en 1860).
    — Auguste CASTAN, Besançon et ses envisons. Besançon, 1880 (édition en “reprint”, 1979).
    — Besançon et ses environs : petit guide indicateur. Besançon, A. Cariage, 1911.
    — Maxime Druhen, Besançon disparu. Besançon, Jacques et Demontrond, 1912.
    — Besançon les Bains et ses environs. Besançon… (on a eu entre la main la neuvième année : 1929)
    — Guide : Besançon et ses environs. Besançon, Péquignot, vers 1935.
    — Lionel ESTAVOYER et Jean-Pierre GAVIGNET, Besançon : ses rues, ses maisons, Besançon, Cêtre
    — Evelyne TOILLON, Les rues de Besançon. Besançon, Cêtre, 1984.
    — Jean BOICHARD et Pierre GRESSER, Guide de Besançon…, La Manufacture,
    Plus général :
    — Guide Gallimard…
    On peut ajouter pour ceux qui veulent aller plus loin et prendre le temps de s’arrêter dans une bibliothèque :
    — Charles WEISS, Journal…
    — Gaston COINDRE, Mon vieux Besançon : histoire intime d’une ville. Besançon, Jacques et
    Demontrond,1900, 3 volumes en 6 fascicules (dernière réédition : Besançon, Cêtre, 1988, 3 volumes).
    — Abel MONNOT, Besançon. Besançon, J. Ledoux, 1939.
    — André etRobert MAUER, Promenade dans Besançon sous le Second Empire : reproduction de divers
    documents d’époque dont 60 des plus anciennes photographies de Besançon. Besançon, Cêtre, 1977.


    Si la rue Renan (jadis rue du Clos) connaît quelques hôtels particuliers, la rue Jonchaux est essentiellement populaire, comme d’ailleurs la rue Bersot (ancienne rue Saint-Paul) : comme Battant, Arène ou Charmont, de l’autre côté du « vrai » centre-ville, ce sont des quartiers ouvriers plus que d’artisanat, où les habitants, travaillant la plupart dans les ateliers d’horlogerie répartis dans la ville, ou plus tard aux usines des Prés-de-Vaux, ne rentrent guère que le soir.
    Est-ce à dire qu’il n’y a pas une vraie vie de quartier ? … Oh, que si ! Pas très différente, en fait, de ce qu’est aujourd’hui celle des banlieues, dont les différentes zones pourraient être considérés comme les équivalents pour l’époque. Si l’on en croit du moins différents auteurs bien informés. Lisons d’abord Gaston Coindre, qui avait huit ans à la date qu’il fixe pour la fin de ce qu’il raconte, sans doute suite à l’intervention d’un quelconque Nicolas (Mon vieux Besançon…, t. II., réédition, Cêtre,
    1982).
  2. «  à cul les Saint-Poulots… »
    « Le chemin de ronde, dit la raye, est devenu la rue des Jacobins qui ne saurait être mieux nommée. Mélancolique parcours sous les grands combles de l’abbaye ; tout au long, écuries, magasins, casernements ; comme une tour, la poterne du moulin ; murailles renfrognées où l’ombre se joue, flottante ; des vieux ormes, en face, perchés sur le rempart.
    « La solitude du lieu nous remet en mémoire les escarmouches d’autrefois entre galopins des quartiers rivaux: ailleurs les Bousbots de Battant contre les Charmont et les Arènes; ici les Saint-Poulots contre les Jeannots (est-il besoin de traduire : enfants de Saint-Paul ou de Saint-Jean ?) —
    dangereuses bagarres qui ne prirent fin qu’en 1852, réprimées par la police, jusqu’alors impuissante.
    « Le dimanche, à l’issue des vêpres, ou le jeudi, le signal était donné par un gamin qui promenait au bout d’un bâton un mouchoir, en criant : « à cu les Saint-Poulots, à cu les Jeannots… à la bataille ». Deux ou trois cents combattants de douze à seize ans accouraient… d’abord des éclaireurs armés de frondes, puis le gros de la troupe lançant les pierres à la main ; les talus des fortifications, les banquettes, étaient leurs redoutes. Ces mauvais garçons ne se souciaient de blessures parfois graves, plutôt du déshonneur d’être faits prisonniers : tous boutons d’habits coupés et de grosses pierres
    attachées aux jambes. Pour rentrer en ville ici inconvénient moindre que sur les glacis, où il fallait franchir les portes et affronter le corps de garde qui arrêtait ces polissons éraflés, souillés de poussière et de sang, montrer ses mains au sergent… souvent il y en avait une cinquantaine enfermés au violon et les parents payaient le procès-verbal. »
    La première édition « du Coindre » est de 1900. C’est en 1912 que Pergaud publie La Guerre des boutons. Mais les Bisontins ne semblent pas avoir revendiqué alors le titre d’ancêtres des bandes de banlieues, préférant laisser aux Landresses l’honneur d’être brocardés…

    La faute aux enseignants ?
    Il serait peut-être utile de retrouver les rapports de ce commissaire de police qui, en 1852, est arrivée à obtenir la fin de ces bagarres, ce que ses prédécesseurs n’avaient pu obtenir, non plus que l’enseignements professé par les maîtres d’écoles (ou la morale des curés). Eternels boucs émissaires.
    Le mal des banlieues (pardon, des quartiers…) est général à Besançon, en ce milieu du XIXe siècle. Saint-Paul et Saint-Jean ne sont pas les seuls quartiers chauds de la ville, loin de là.
    Charles Weiss, le bibliothécaire municipal de Besançon de 1815 à 1865, n’inscrit pas dans son Journal (édition critique par Suzanne Lepin, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 4 volumes couvrant la période 1815-1842) que des notes sur la vie littéraire et artistique de la cité. Ainsi cette note, dont Coindre aurait pu s’inspirer et qui, soit dit en passant, rappelle que l’outre-pont bisontin ne forme peut-être qu’une seule paroisse, mais aussi trois quartiers distincts : Arènes, Charmont et Battant.
    « 8 août 1842. L’ancienne coutume qui rendait les habitants des différents quartiers ennemis les uns des autres et les amenait tous les dimanches sur les glacis pour s’y livrer des combats toujours dangereux et quelquefois mortels, s’est renouvelée depuis quelques semaines. Hier, le glacis de Charmont était couvert d’enfants de 10 à 15 ans qui poursuivaient à coups de pierre ceux du
    quartier de Battant non moins nombreux et non moins acharnés à une lutte dont le seul résultat possible est la mort ou l’estropiement de quelques-uns d’entre eux. Mais si les luttes se continuent, à quoi servent et les prédications des prêtres et les instructions des maîtres d’école ? Les philosophes qui rêvent la perfectibilité devraient bien nous donner la solution de ce problème. »
    Avis aux amateurs : on attend encore, cent cinquante ans plus tard. Preuve que rien n’a tellement hangé…
    On est loin de la vision sentimentale du Bousbot que présente le marquis de Pezay dans les Soirées alsaciennes, helvetiennes et francomtoises qu’il publie en 1771. Les vignerons de Battant sont pour lui le modèle mieux aboutis que les bergers de la littérature pastorale…
    François LASSUS
    (2006)

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