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Publié le 27 octobre 2025


Bulletin n° 62 LE GENERAL ET FUTUR MARECHAL JEAN DELATTRE DE TASSIGNY ET SON SEJOUR A BESANCON A PARTIR DE SEPTEMBRE 1944

L’Hôtel de Clévans

Lieu d’histoire où le général Jean de Lattre de Tassigny créa en 1944, la Première Armée française
Edifié de 1739 à 1741, rue Sainte- Anne devenue rue Lecourbe, pour Joseph Lebas de Clévans, conseiller au Parlement de Besançon, l’hôtel de Clévans devint dès 1818 quartier général de l’armée et dix ans après, résidence du général commandant la division militaire.

En 1846, le lieutenant-général Théophile Voirol s’y installe puis plus tard, le général Henri d’Orléans,
duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe. Général de brigade en 1939, il est le plus jeune général de France. Fin 1943, Jean de Lattre de Tassigny est promu général d’Armée par le chef de la France libre et rejoint Alger.

Vers une nouvelle armée
Après la campagne d’Italie, il se voit confier la formation et le commandement de l’armée B qui participe au débarquement de Provence le 15 août 1944, puis libère Toulon et Marseille avant Lyon, Mâcon et Dijon.
La Gestapo ayant déserté les lieux quelques jours auparavant, le Général de Lattre de Tassigny installe son poste de commandement le 19 septembre 1944 à l’hôtel de Clévans à Besançon.

Le 24 septembre 1944, le général de Gaulle, en présence du ministre de la guerre André Diethelm et du préfet Pierre Dumont, lui remet la Croix de Compagnon de la Libération au château de Bournel, près de Villersexel, propriété du marquis de Moustier, l’un des parlementaires (député du Doubs) qui refusèrent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. (Léonel de Moustier meurt en déportation à Neuengamme et recevra la croix de la Libération à titre posthume en 1945.)
Le lendemain, de Lattre réussit « l’amalgame » des troupes d’Afrique avec les Forces françaises de l’Intérieur, c’est la création de la Première Armée française ; il écrira : « L’âme commune de l’armée Rhin et Danube est née de l’amalgame intime et fraternel des 250 000 soldats venus de l’Empire et des 137 000 FFI ».

L’hôtel de Clévans héberge le cabinet civil et le cabinet militaire mais l’exiguïté des lieux nécessite l’installation de nombreux personnels de l’état-major, dont le service de renseignements, à l’hôtel de Courbouzon proche du quartier général et sis 20 rue Chifflet comme le rappelle la plaque apposée sur la façade.

Une épouse volontaire et un fils exemplaire
Apprenant la présence de son mari dans la capitale comtoise, Simone son épouse, enfreignant les consignes strictes édictées, décide de se rendre à Besançon où elle arrive le 9 novembre 1944.
Prévenu, le général exige son départ immédiat puis se ravise et l’installe dans un lieu discret avec interdiction de se montrer.
Afin de rendre moins pesantes les attentes interminables, elle réussit à organiser des visites, celle de son propre frère Raoul mais surtout de son fils Bernard qui, gravement blessé lors de la libération d’Autun, a été transféré à l’hôpital Saint-Jacques (il meurt au combat en Indochine le 30 mai 1951).
Lors de son séjour, elle se consacre à un projet cher à son mari, l’organisation d’un service social en temps de guerre.

Deux diplomates américains à Besançon
Le 17 novembre 1944, veille du départ de l’état-major, Jean Oberlé, l’un des piliers de l’émission radiophonique « les Français parlent aux Français », inventeur du slogan : « Radio Paris ment, radio Paris est allemand », réalise un reportage destiné à faire connaître l’entourage qui officie aux côtés du général à l’hôtel de Clévans, notamment le diplomate américain William Christian Bullitt, ancien ambassadeur à Moscou puis à Paris ; il sera maire provisoire de la capitale. Grâce au général de Gaulle, il rejoint la Résistance et devient commandant dans la première Armée. Il sera grièvement blessé lors de la campagne d’Alsace.
Le colonel Henri Cabot Lodge Jr, autre diplomate américain, sénateur du Massachusetts rejoint aussi le cabinet du général comme coordonnateur avec les forces alliées.
Dans l’émission, est évoquée la présence du Prince Ali Aga Khan engagé en 1939 dans la légion étrangère et devenu officier de liaison.


La romancière Edmonde Charles-Roux (future épouse de Gaston Deferre, ancien maire de
Marseille) attachée au cabinet devient infirmière à la 5e DB.
On peut croiser aussi à Besançon Solange Troisier, future députée gaulliste du Val d’Oise puis Inspectrice générale des prisons qui écrira : « Il était d’une beauté fascinante au regard perçant, au profil d’oiseau de proie…il regrettait je pense, ses terribles boutades où jour après jour, il nous mettait plus bas que terre ».
Au 4 rue Lecourbe, c’est une ruche effervescente jour et nuit car de Lattre est un bourreau de travail exigeant et impatient qui dort très peu. Son chef de cabinet civil n’oubliera jamais le caractère irritable et les colères violentes de son patron.


Des Comtois au service du futur maréchal
Simone Trincano, née en 1924 à Besançon et fille de Louis Trincano, le directeur de l’École
nationale d’horlogerie, intègre l’état-major avec le grade de sous-lieutenant et deviendra interprète
lors de la campagne de libération.
Jacques Charrière, né à Besançon en 1912, officier au 60e R.I. est ordonné prêtre en 1942. Après
une rencontre avec le colonel Maurin, il entre dans la Résistance sous le nom de lieutenant
Valbert. Son maquis est dissous à la mi-septembre 1944, il rejoint de Lattre et participera aux combats dans le nord Franche-Comté, en Alsace jusqu’en Allemagne.
Un autre Franc-Comtois figure aux côtés du futur maréchal : le compagnon de la Libération, Jacques Petitjean, originaire du moulin de la Rouchotte, à Thieffrans en Haute-Saône. Après la guerre, il retrouve le général de Lattre de Tassigny, haut-commissaire en Indochine, en qualité de directeur de cabinet et il termine sa carrière au quai d’Orsay en 1970.

En cette année 2022, est célébré le soixante-dixième anniversaire de la mort du fondateur de l’armée Rhin et Danube, qui sera élevé à la dignité de maréchal de France à titre posthume le 15 janvier 1952, le jour de ses funérailles lors desquelles ses compagnons de route n’avaient vraisemblablement pas oublié sa citation préférée : « Frapper l’ennemi, c’est bien, mais frapper l’imagination, c’est mieux ».

Sources : trois siècles d’histoire à Clévans (association les amis de Clévans), Besançon autrefois
de L.Estavoyer et JP Gavignet, les compagnons de la libération de O. Matthey-Doret

Gilles CHAMPION
Juin 2022

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