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Publié le 27 octobre 2025
Bulletin n° 63 La Forêt de Chailluz
Connaissez-vous les secrets de la forêt de Chailluz ?
Une conférence a été donné début 2024 par Daniel Daval de l’Association de recherches des sites archéologiques comtois (ARESAC).
La forêt de Chailuz s’étend sur 1700 ha . Elle constitue un poumon vert pour l’agglomération, espace privilégié pour les promenades et le maintien des éco-sytèmes.
Mais elle participe également à une partie de l’histoire du territoire de Besançon.
La prospection LIDAR Light Detection And Ranging (détection et télémétrie par la lumière),une technique de télédétection active à impulsion laser d’obtenir une description précise du sol ou des objets en sursol (végétation, bâtiments) avec une précision de 10 cm .

Le survol de la forêt a été effectué en mars 2009. Les données numériques LTDAR doivent être vérifiées sur le terrain pour être validées. On a pu y retrouver d’anciennes voies de circulation, par exemple.
Beaucoup de prélèvements ont été effectués en forêts, notamment sur les anciens fours à chaux, pour analyser des charbons de bois afin de les dater au carbone 14.
Les découvertes archéologiques en forêt de Chailluz
De nombreux aménagements inédits ont été détectés par l’analyse des données LIDAR :
des vestiges d’habitats et d’activités agro-pastorales, à présent sous couvert forestier ;
des indices d’exploitation de ressources naturelles, structures à vocation économique (four à chaux, carrières, etc. ;
des éléments de voirie ;
des ouvrages militaires.
Les vestiges agropastoraux
Les pierriers, qui résultent de l’exploitation agricole dans l’Antiquité, étaient souvent placés
en milieu des parcelles où ils servaient d’accumulateurs de chaleur. Colonisés par la
végétation arborée, ils servaient également d’ombrage et d’abri pour le gibier. Certains talus
de pierres (ou murgers), partant de la crête de Chailluz, pouvaient atteindre 2,5 km de
longueur. Ce système existait également en Italie dans les Pouilles et daterait de l’âge du
bronze.

1 Enclos polygonal multiple

2 La côte de Chailluz, avec les pierriers (points ronds) et les anciennes limites de parcelles
agricoles (traces linéaires)
La prospection au sol a confirmé que la côte de Chailluz était entièrement exploitée de l’âge
du bronze jusqu’au Moyen Âge.
A l’époque gallo romaine, quelques fermes agricoles ont été répertoriées.
Les ressources naturelles
De très nombreux sites de ressources naturelles ont été détectés en forêt de Chailluz :
carrières de laves, fours à chaux et places à charbons de bois.
C’est ainsi que 250 fours à chaux, alimentant les constructions de la ville voisine de
Besançon ont été repérés et retrouvés à Chailluz.

En rouge les fours à chaux
Les places de charbonniers se caractérisent par une surface circulaire bien plane de quelques mètres de diamètre. Elles sont particulièrement bien visibles dans les pentes. Les datations effectuées jusqu’à présent indiquent une utilisation possible entre le milieu du 15ème siècle et la fin du 19ème siècle. Plus de 1 000 entités ont été mises en évidence dans la forêt de Chailluz. Il est probable, à partir de 1738, que le quart en réserve de la forêt de Chailluz, ait été exploité pour le charbon de bois, beaucoup plus rentable que le bois de feu.
Étude des paysages passés
L’étude menée grâce aux données LiDAR permet de restituer les paysages passés en 3D.
Ci-après, sur la vue du haut, on reconnaît la forêt de Chailluz, représentée à l’époque actuelle, par la traversée de l’autoroute.
La vue du bas représente la forêt à l’époque antique avec toutes les anciennes limites parcellaires qui ont été retrouvées sur le terrain.

L’ordonnance de Colbert de 1669 « sur le fait des Eaux et Forêts »
Sous le règne de Louis XIV les besoins en bois soit pour les constructions de maisons mais surtout pour les fortifications, la production des forges et la construction des navires de guerre (des bois de Chailluz ont été commandés pour le port de Toulon)
L’ordonnance vise à réorganiser l’exploitation sylvicole en privilégiant le chêne tout en assurant sa pérennité. Il y a obligation à mettre en réserve un quart de la superficie avec « 16 baliveaux à l’arpent et un âge minimum d’abattage de 10 ans ». le grand maître des Eaux et Forêts bénéficie de compétences administratives étendues. Cette ordonnance constitue la base du code forestier actuel.
Les bornes royales

Les traces du bornage effectué entre la forêt de Chailluz et le bois de la Lave, sur Chatillon-le-Duc, qui appartenait au Duc de Bourgogne ont été retrouvées. Plus au nord, des bornes royales avec les fleurs de lys ont été retrouvées. Elles délimitaient le domaine royal (situé au nord et à l’ouest de Chailluz, sur le versant donnant sur Tallenay et Chatillon le-Duc) et Chailluz.
La chapelle Saint Gengoul
Une première fouille avait eu lieu en 1960. En 2014, la reprise des fouilles a permis de dégager les murs de la chapelle Saint Gengoul, située sur la crête de Chailluz.

La chapelle, construite peu après l’an 1000 était au centre d’un petit hameau, qui se déplacera plus tard vers Tallenay, détruit durant la guerre de Dix Ans (1634 – 1344).
Quelques vestiges de terrasses aménagées se situent aux alentours.
Après la fouille les murs ont été cimentés afin de les protéger et de mettre le site en valeur.
Cet endroit a gardé le mystère et les légendes qui l’entoure.
Les ouvrages militaires
Les ouvrages de défense de Besançon en 1914
Pour faire face à une éventuelle attaque de l’armée allemande contre Besançon, l’Armée française a mis en oeuvre le « Plan 17 », pour constituer une ligne de défense à l’est de la ville, entre Bonnay et Novillars.
Beaucoup de ces vestiges étaient inconnus, tel ce poste de commandement, en forêt de Thise, créé en 1914.
Du 15 août au 30 octobre 1914, 29 000 soldats sont venu renforcer la place forte de Besançon pour mettre en place le plan 17.
Un réseau de tranchées d’infanterie et de nombreuses batteries d’artillerie furent creusées et les abatis effectués.
Le fort de Chailluz est bien connu, mais LIDAR a permis de retrouver quelques batteries annexes.
Des éclats de bombes ont été découverts. Ils ont vraisemblablement été largués par un avion américain dans la nuit du 16 au 17 juillet en 1943 lors du bombardement de la gare Viotte à Besançon. Cet aspect historique n’était pas connu.
Allez-vous promener en forêt de Chailluz. Laissez-vous porter par l’esprit de la forêt, le chant des oiseaux, le bourdonnement des abeilles (la société apicole a deux ruchers) , le cri des animaux, le bruissement des feuilles.
Vous pourrez peut-être apercevoir fugitivement « la dame blanche » …
Bibliographie : Fruchart (C) – Analyse spatiale et temporelle des paysages de la forêt de Chailluz (Besançon, Doubs) de l’Antiquité à nos jours – Thèse – Université de Franche Comté – 2014.
Daniel Daval et Jack Bourguet